Vers un système foncier régionalisé 

La repaysanisation de nos campagnes est l’un des défis primordiaux du Mouvement d’Action Paysanne. Non pas par absence d’initiatives, d’alternatives ou de projets…non pas par manque de potentiels terrains agricoles…non, des paysans désireux de s’installer, il y en a. De la terre aussi… Le bas blesse au niveau des politiques foncières et spéculatives limitant l’accès aux sols arables.

Pas de paysans sans terre, pas de terre sans paysans !.

Depuis plus d’un an maintenant, le MAP a mobilisé ses forces au travers de son «Groupe de Travail Terre » afin d’imaginer un système foncier alternatif qui donnerait la priorité au droit d’usage sur le droit de propriété. Ceci en perspective de la régionalisation de la loi sur le bail à ferme de 2015.

Depuis, le groupe de réflexion s’est transformé en une plate-forme (Plate-Forme Foncier Agricole – PFFA) qui réunit en son sein diverses associations, groupes, paysans et consommateurs, soucieux de proposer des alternatives constructives au problème de l’accès à la terre. La PFFA a inscrit ses propositions et revendications dans un texte stratégique : «Position politique et objectifs de la Plate-Forme Foncier Agricole » et sera partie prenante des consultations menés par le Gouvernement wallon comme l’a assuré en mars dernier le Ministre René Collin.

La plate-forme a également mené des actions de sensibilisation plus larges comme l’animation de débats lors des deux foires (la grande à Libramont et la petite à Semel).

Après avoir pleinement profité de l’été pour cultiver et militer, la PFFA reprendra ses actions de réflexion et de plaidoyer dès le 10 septembre.

En savoir plus sur le « GT Terre », la PFFA et la problématique de l’accès à la Terre : Un article de Cyrille Verlinden


Il y a un an, nous écrivions un article pour La Lettre : Un contrat pour un système foncier nouveau… Nous annoncions la régionalisation de la loi sur le bail à ferme pour 2015. Et nous mettions en marche un groupe de travail du MAP pour imaginer un système foncier alternatif qui donnerait la priorité au droit d’usage sur le droit de propriété. Nous proposions aussi d’explorer les possibilités d’un système participatif – paysans, propriétaires et citoyens – pour décider de l’attribution des champs et des prairies.

Après un an de travail, où en sommes-nous ?

Notre groupe de travail a initié la formation d’une plate-forme d’organisations souhaitant réfléchir ensemble à ce problème. C’est ainsi que le site de Mundo N accueille en réunions régulières syndicats paysans, organisations de producteurs, de défense de l’environnement, de consommateurs, de solidarité internationale, de coopératives foncières et autres organisations de la société civile. Le MAP, la FUGEA, IEW, le CNCD-11.11.11, Natagora, Nature et Progrès, UNAB, Terre-en-vue, FIAN Belgium composent aujourd’hui la Plate-Forme Foncier Agricole.

Position politique et objectifs

Le premier travail de la PFFA a consisté à écrire un texte d’accord sur une position politique et des objectifs concrets à réaliser dans cette année 2015. En mars dernier, nous y sommes arrivés !

La question foncière est bien à l’agenda du ministre wallon de l’Agriculture ; elle est mise en exergue par le Code wallon de l’Agriculture et la Déclaration de politique régionale 2014-2019. De nombreux rapports internationaux soulignent également l’importance de préserver l’accès à la terre aux paysans.

Retenons que le Gouvernement wallon s’engage à faciliter l’installation de nouveaux agriculteurs et à garantir aux agriculteurs un accès durable à la terre. Il entend notamment être attentif à préserver les surfaces effectivement affectées à l’agriculture ; mener une réflexion avec les parties concernées pour adapter la législation sur le bail à ferme afin de faciliter l’accès à la terre aux «agriculteurs actifs» et aux jeunes ; mettre en œuvre l’observatoire du foncier agricole au sein de la DGO3 et activer la possibilité de préemption publique de manière à accroître la transparence des opérations foncières ; examiner la mise en place d’un système de portage de terres agricoles permettant sur base volontaire de dissocier la reprise d’une exploitation de la reprise du foncier ; mettre en place la banque foncière créée par le Code, chargée de gérer les terres agricoles wallonnes et, sur base volontaire, celles d’autres propriétaires publics ou privés.

Notre Plate-Forme Foncier Agricole participera aux réflexions sur l’adaptation de la législation sur le bail à ferme en formulant des propositions multi-acteurs. Le 20 mars dernier, nous avons rencontré le ministre Collin qui s’est formellement engagé à impliquer notre PFFA dans les consultations qui seront menées par le Gouvernement wallon avec tous les acteurs concernés parmi lesquels la Fédération Wallonne de l’Agriculture et l’Union des propriétaires ruraux (NTF)… Nous voilà bien engagés dans le processus de négociation.

Ainsi, depuis des mois, nous sommes attelés à produire un ensemble de propositions à mettre en œuvre pour une bonne réforme de la loi sur le bail à ferme ; nous traçons en plus les lignes de forces d’une autre loi, une innovation, un contrat de location agricole qui donne la priorité à la sécurité de travail pour les paysannes et les paysans dans une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. On l’a appelé le « bail environnemental », mais son nom n’est pas arrêté. Enfin, une autre de nos tâches est de définir et d’analyser les possibilités de voir se construire en Wallonie un observatoire foncier et une banque foncière : c’est sur ces deux objectifs que le ministre met la priorité à court terme. Nous pensons que la réforme de la loi sur le bail à ferme va encore nous prendre un peu de temps.
Et oui, il reste du pain sur la planche.

Rappel de nos priorités : agriculture durable et accès à la terre

La PFFA considère qu’il est impératif de favoriser une agriculture durable caractérisée par :
– un nombre prépondérant de fermes familiales ;
– l’autonomie de l’agriculteur en termes de prises de décisions ;
– la mise en œuvre de pratiques agro-écologiques ;
– la création d’emplois agricoles et ruraux justement rémunérés ;
– un ancrage local ;
– une multifonctionnalité garante d’un développement solidaire et équitable.

Ainsi, la réforme des outils de régulation foncière doit:

– Faciliter la mise à disposition de terres à des fermiers (personnes cultivant des terres dans le cadre d’un fermage) entre autres par le biais de la réforme de la loi sur le bail à ferme ;
– Garantir et favoriser l’accès à la terre pour le développement et la pérennisation de projets agricoles durables11 ;
– Favoriser l’installation de nouveaux paysans, en particulier dans le cadre de transmissions hors cadre familial ;
– Diminuer la pression financière et spéculative sur l’accès à la terre pour le prix de vente des terres agricoles afin de retrouver un lien entre valeur vénale et valeur productive de la terre en terme nourricier ;
– Encourager les propriétaires à céder leurs terres en fermage plutôt qu’en gestion par des sociétés ou des entreprises agricoles ;
– Favoriser l’implication des propriétaires soucieux de soutenir des projets agricoles durables ;
– Arrêter l’urbanisation et l’industrialisation (artificialisation) des terres agricoles pour assurer leur utilisation à des fins nourricières ;
– Soutenir les innovations foncières dont l’objectif est d’élargir le contrat bilatéral entre propriétaire et agriculteur à d’autres acteurs (citoyens et autorités locales), en vue de se rapprocher d’une gestion de la terre comme un bien commun à préserver ;
– Renforcer les liens entre les différentes parties prenantes (agriculteurs, propriétaires et société civile) ;
– Mettre fin à l’opacité du marché foncier et aux pratiques illégales.

Un article de Cyrille Verlinden