Afin d’augmenter la part de déchets recyclés et valorisés pour des usages ultérieurs, la Directive cadre sur le déchets [1] a introduit la notion de responsabilité élargie des producteurs (REP) comme moyen de « soutenir la conception et la fabrication de produits selon des procédés qui prennent pleinement en compte et facilitent l’utilisation efficace des ressources tout au long de leur cycle de vie,… ». La philosophie de la REP est basée sur le principe directeur du pollueur-payeur et la notion de coût-vérité qui doit traduire le coût environnemental réel de la production et de la gestion des déchets. Ainsi, les États membres peuvent préciser les conditions de la responsabilité et décider dans quels cas le producteur initial conserve la responsabilité de l’ensemble de la chaîne de traitement ou dans quels cas la responsabilité du producteur et du détenteur peut être partagée ou déléguée parmi les intervenants dans la chaîne de traitement. Par producteur, il faut entendre fabricants et importateurs qui mettent un produit sur le marché qui assumeront une responsabilité financière et/ou matérielle étendue jusqu’à la gestion des déchets de leurs produits. Cette responsabilité peut passer notamment par l’organisation et le financement d’un système de collecte et de gestion via une association ou un éco-organisme.
La traduction opérationnelle de la REP est l’obligation de reprise de certains flux de déchets. Bien avant la Directive cadre sur les déchets, certains produits étaient déjà soumis à une obligation de reprise. En Belgique, les déchets d’emballage ont ainsi fait l’objet d’un accord de coopération en 1996 et un arrêté du Gouvernement wallon de 2002 [2], modifié par l’AGW du 23 septembre 2010, a ensuite défini une série de flux soumis à cette obligation. A ce jour, une douzaine de catégories [3] de déchets relèvent d’obligation de reprise.
Au niveau très concret, le producteur « responsable » doit assumer le coût global de la gestion du déchet issu de son produit : collecte, (pré-) traitement, valorisation, élimination mais aussi les coûts de contrôle et d’audit. Pour respecter leur obligation, les producteurs ont le choix entre différentes modalités [4] : plan de gestion des déchets individuel ; système collectif en faisant appel à un organisme agréé ; convention environnementale avec la Région déterminant des modalités particulières d’exécution et de mise en œuvre de leurs obligations.
Bien sûr, le succès de ce système nécessite une information et une « éducation » du consommateur puisque sans le tri à la source et le dépôt des déchets dans des lieux spécifiques, ces obligations seraient beaucoup plus difficiles à remplir. Par ailleurs, si les producteurs ont la responsabilité financière de la gestion des déchets issus de leur produit, notamment en payant une cotisation à l’organisme en charge d’exécuter leur obligation, cette cotisation est répercutée dans le prix d’achat des produits et la couverture des coûts est donc bel et bien assumée par le consommateur.
La notion de coût-vérité empêche normalement les obligataires de reprise de dégager quelque bénéfice via des cotisations qui excéderaient les dépenses nécessaires à la récupération et au recyclage des déchets. Pourtant, l’année dernière la Cour des comptes [5] avait pointé du doigt certaines associations constituées par les obligataires de reprises, principalement Bebat, Recupel et Fost+. Celles-ci auraient accumulé des réserves importantes, un véritable petit matelas qui ne contribue pas à la finalité pour laquelle ces cotisations ont été instaurées.
Ainsi Bebat, association sans but lucratif qui gère la collecte et le recyclage des piles et accumulateurs usagés, aurait dégagé sur la période 2012-2013 des bénéfices s’élevant à 7,5 millions pour 2012 et 5,7 millions en 2013. Au bilan 2013, les placements en trésorerie de Bebat chiffraient à 84,7 millions avec plus de 25 millions d’euros de valeurs disponibles.
Quant à Recupel, asbl qui « s’engage concrètement pour un monde meilleur par une récupération optimale de matériaux issus d’appareils électr(on)iques usagés » [6] , elle aurait généré un bénéfice de 6,4 millions (2012) et 5,9 millions d’€ (2013) et affiche un bilan avec des valeurs disponibles de plus de 250 millions d’euros. Selon la Cour des comptes, Recupel a créé un fonds de placement d’un montant de 171,4 millions d’euros dont l’actionnariat est exclusivement réservé aux producteurs d’équipements d’électriques et électroniques. En résumé, les cotisations des producteurs, répercutées sur la facture d’achat du produit, sensées refléter le coût vérité de la gestion de ces produits sont supérieures aux coûts réels et ne sont pas réinvesties dans la prévention, la valorisation et le recyclage des déchets !