« Les Systèmes Participatifs de Garantie (SPG) sont des systèmes d’assurance qualité ancrés localement. Ils certifient les producteurs sur la base d’une participation active des acteurs concernés et sont construits sur une base de confiance, de réseaux et d’échanges de connaissances.» Définition selon IFOAM (International Federation of Organic Agriculture Movements, ou Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique). Un véritable partenariat qui permet à la ferme et à ses nouveaux partenaires de prendre conscience et de mieux rencontrer solidairement les défis de l’agriculture paysanne qui nous concernent tous. Et tout ça dans la joie de la rencontre… que demander de plus ?
Dessin : Lola (GASAP de St-Gilles).Pour aller plus loin que le label bio !
Quatre premiers axes de travail pour bien commencer (non exhaustifs) : Energie-Equité-Nature-Santé. Un SPG pratique et évolutif : une faible consommation d’énergie fossile, un revenu et un temps de travail digne pour les paysannes et paysans, des partenaires engagés, des véritables consomm’acteurs concernés, une production maraichère écologique, des aliments de qualité, forts en goût et en nutriments,… Parce que la qualité peut évoluer à condition que tous les acteurs de notre souveraineté alimentaire y mettent de la bonne volonté ! Citoyens/consomm’acteurs/mangeurs,… Producteurs/paysans/artisans,…Pour se réapproprier notre droit à l’alimentation, sans le diktat de l’AFSCA !
Tout aussi dit, tout aussi fait : depuis ce mois de juillet, des journées de réflexions s’organisent pour créer un véritable SPG pratico- pratique entre les consomm’acteurs et les paysans de la ferme Arc en Ciel. Un long cheminement depuis ce vieux rêve partagé avec Rudolf, mon beau père, pour créer ce lien indispensable entre les producteurs et les consomm’acteurs afin d’améliorer la qualité des aliments, sans être dans la sanction mais bien dans l’accompagnement pour trouver ensemble des solutions, ce que l’AFSCA ne fait pas. Construire, non pas détruire !« La création de la Ferme Arc en Ciel il y a 28 ans n’était pas pour moi la réalisation du rêve de redevenir agriculteur, éleveur ou maraîcher. Non, le motif était la conviction que la situation de la société humaine demandait d’urgence une réinvention dans tous les domaines de la vie. Notre passé au tiers monde y est pour beaucoup. Logiquement, mon domaine est la base du maintient de la vie, qui est la nourriture. Ce mot englobe énormément d’éléments à résoudre. La façon de répondre est déterminante pour ou contre un avenir tout court. Un formidable challenge ! Depuis le départ, nous expérimentons dans maints domaines, entre autre aussi autour de la relation entre le producteur et le consommateur. En clair, nous cherchons une interdépendance entre les deux, une justice sociale, un abandon du système capitaliste destructeur basé sur la loi inhumaine du plus fort ! » Rudolf Köchli, fondateur de la Ferme Arc-en-Ciel » |
De la Galice à la Bolivie…
Dès l’automne 2014, nous participions avec le MAP à un premier travail sur le SPG en Galice dans le cadre d’un séminaire Gründvig sur l’Agroécologie, ce qui nous menait ensuite à organiser un premier week-end constructif à la ferme : Echanges avec Frères des Hommes et à son partenaire de l’AOPEB (Asociación de organizaciones de productores Ecológicos de Bolivia)… L’été 2013 déjà le MAP accueillait Frères des Hommes et une première invitée bolivienne afin de découvrir quelques unes de ses fermes écoles paysannes. Cette rencontre a permis d’amorcer et préparer un séjour en Bolivie où Catherine et Bernard ont eu l’occasion de partir en novembre de la même année. Une dizaine de jours de visites sur des terres dédiées au SPG, des rencontres de paysannes et de paysans, et des responsables de coopératives de production et de distribution de café, de cacao, de bananes, de quinoa,… dans un processus SPG appuyé par le gouvernement bolivien. Réflexions sur les SGP de retour d’un séminaire en Galice Le Sindicato Labrego Galego organisait fin septembre un séminaire en Galice, dans le cadre du programme Grundtvig, sur la commercialisation en circuit court et les systèmes de garantie participative, communément désignés par les acronymes SPG ou SGP. Les observations qui suivent ont été directement inspirées de ma participation à ces discussions et se veulent personnelles. Les systèmes de certification privés (comme ceux de Nature & Progrès) ou publics (comme la certification AB de l’Union Européenne) sont souvent associés dans l’esprit du public à, un label, attribué ou refusé à une exploitation sur la base de visite de contrôle visant à vérifier que la production satisfait à une série d’exigences, de critères définis dans une charte ou un cahier des charges : l’attribution et l’affichage de ce label par le producteur lui apporterait ainsi une plus-value par rapport aux producteurs non-labellisés. Les consommateurs quant à eux y trouveraient leur compte dans la garantie sur la provenance et la qualité des produits labellisés. Cet objectif n’est-il pas l’arbre qui cache la forêt ? N’y a-t-il pas d’autres considérations en aval de la commercialisation des produits ? Deux aventures en particulier, décrites par des intervenants au Séminaire soulignent une constante : chaque initiative naît d’un contexte local qui lui est propre, chaque SGP mis en place est guidé par les valeurs, la philosophie et les intérêts bien compris de ses participants. Coopérative Ribera del Navia (Galice) : ce projet est né dans la vallée du Navia en Galice ; pendant la dictature franquiste, le cours du fleuve a été déplacé, entraînant un déplacement massif des familles et le recentrage industriel sur la production laitière intensive. En 1977, un groupe d’ « aventuriers » revient dans la vallée et investit sept villages, porteurs d’un projet politique : se réapproprier les terres tout en créant une communauté soudée autour du concept de souveraineté alimentaire, d’agro-écologie et de solidarité. Depuis s’est mis en place petit à petit une communautarisation des ressources forestières autour de trois communautés qui gèrent près de 800 ha, tandis que 1000 ha ont été privatisées tout aussi illégalement par les autorités. Pour ces communautés, qui s’attellent aujourd’hui à la mise en place d’un SGP, il s’agit avant tout de renforcer cohésion et solidarité entre les habitants de la vallée, consommateurs et producteurs. Collectif de productrices en Andalousie : ne se reconnaissant pas dans les critères nationaux de certification bio, des productrices ont proposé un système alternatif pour adapter la certification au contexte régional tout en conservant un lien avec le système national. Le SPG proposé reposait sur la réalité de l’agriculture paysanne dans la province. Peu suivi en raison de la technicité du système mis-en-place, sa simplification et le retour à une charte représentant la vision commune de tous les participants, axée sur un objectif d’accompagnement des producteurs vers l’agro-écologie a favorisé l’adhésion de tous et la relance du projet. Bolivie : Des communes écologiques Comment être un consommateur responsable? Ou plutôt, quels mécanismes mettre en place afin de responsabiliser le consommateur? Au Sud, une association partenaire de Frères des Hommes, l’Organisation des Associations de Producteurs Ecologiques de Bolivie (AOPEB) s’y entend. Pourtant, ce n’était pas le but premier de sa démarche. Son objectif était avant tout d’élaborer un nouvel outil visant à améliorer les capacités et ressources des petits producteurs locaux. Mais indirectement, le système original qu’elle promeut au profit des agriculteurs confère au consommateur un rôle essentiel : de consommateur passif, il se transforme en acteur au sein même de cette relation avec le producteur. Mais de quoi s’agit-il ? Système Participatif de Garantie SPG ou système participatif de garantie : voilà les quelques mots-clés qui résument cette approche novatrice. Pour savoir ce qu’évoque cette dénomination, partons du besoin fondamental qui a été à la source de ce projet. La certification des produits biologiques pour le marché national et international se révèle être extrêmement complexe et contraignante pour les petits producteurs. Face aux entreprises issues de l’agro-industrie, ceux-ci se trouvent nettement désavantagés : coûts élevés de la procédure, bureaucratie lourde, normes exigeantes, etc. La certification tierce partie (on parle de certification tierce partie lorsqu’un organisme tiers intervient pour garantir que le produit est conforme aux exigences d’un cahier des charges ou de spécifications techniques) n’est donc pas facilement accessible pour un paysan modeste, voire complètement hors de portée pour lui. « Nous produisons, mais nous ne sommes pas des millionnaires, explique Ercilia Gonzales, productrice écologique de la région de Cochabamba. Nous ne pouvons donc pas obtenir la certification tierce partie ! ». Un constat regrettable dans la mesure où les fruits et légumes qu’un petit agriculteur propose aux consommateurs peuvent être d’une qualité au moins égale à ceux qui reçoivent un label officiel et avoir été produits dans des conditions tout aussi satisfaisantes. L’AOPEB, partenaire de Frères des Hommes, s’est penchée sur cette injustice fondamentale pour tenter d’y apporter une solution. Dans un premier temps, cette association a organisé un atelier dans le but de réfléchir à une certification alternative qui soit accessible à tous. De cette initiative est née le système participatif de garantie qui, comme son nom l’indique, est un processus par lequel une certification est octroyée à des produits agricoles par divers acteurs de la société partageant les mêmes exigences de qualité. Le rôle central du consommateur L’échelon essentiel du processus SPG est le niveau municipal, ce qui implique une grande proximité des membres qui y participent, caractéristique inexistante dans la filière de la grande distribution où le seul lien entre producteur et consommateur est en fin de compte l’étiquette apposée sur le produit et dont le client prend connaissance en faisant son choix dans les rayons du magasin. Mais comment cela fonctionne-t-il concrètement ? Imaginez, au sein d’une commune, la constitution de groupes de petits agriculteurs produisant du bio et choisissant en leur sein un responsable. Ce dernier sera leur délégué auprès d’un comité composé d’un représentant de la municipalité et d’un représentant des consommateurs, comité à travers lequel la commune délivrera la certification écologique si la production a satisfait aux pré-requis, sur base notamment de contrôles effectués sur le terrain. Le système participatif de garantie exige donc que producteur et consommateur se connaissent et se rencontrent par l’entremise de la municipalité. Leur relation s’en trouvent par conséquent renforcée. Producteur et consommateur sont en étroite relation et cette proximité permet une meilleure adéquation entre l’offre et la demande en termes qualitatifs. Cette configuration implique par ailleurs l’établissement d’une relation de confiance entre ces deux acteurs. Dans le domaine de la production biologique, la confiance est un élément essentiel dans la mesure où visuellement, on ne peut pas véritablement distinguer un légume bio d’un autre issu de l’agriculture conventionnelle. En outre, le producteur et le consommateur partagent les mêmes visions et idéaux. Parmi ceux-ci, le souhait de produire/consommer des fruits et légumes sains, de qualité et issus de l’agriculture biologique ; mais par là même le souci d’œuvrer pour la préservation de la biodiversité, d’éviter de porter atteinte à l’environnement, de contribuer au maintien de connaissances ancestrales sur le plan agricole, de protéger par exemple, des variétés de semences, etc. Au sein du SPG, le rôle actif du consommateur est encouragé mais, plus encore, il constitue un pré-requis indispensable pour que le système fonctionne. Objectif « Bolivie écologique » ! Les premières années qui ont suivi l’accession au pouvoir d’Evo Morales à la présidence de la Bolivie ont été porteuses de grands changements pour le monde paysan et prometteuses à bien des égards. Ainsi, le 21 novembre 2006 a été promulguée en Bolivie la loi 3525 qui a pour objectif d’encourager la production biologique dans tout le pays, de revaloriser les savoirs paysans et indigènes, de soutenir les principes du commerce équitable et de faire en sorte que la population dans son ensemble ait accès à une alimentation saine à un juste prix pour tous. Ces principes s’inscrivent dans le Plan National de Développement visant à construire une « Bolivie digne, souveraine et productive pour bien vivre ». Pour ce faire, ce texte confère aux municipalités un rôle essentiel afin d’encourager la production biologique sur leur territoire par le biais de la création de comités spécifiques qui sont responsables, par exemple, de l’organisation de déjeuners scolaires à base de produits bio, des achats d’Etat aux producteurs écologiques…Composés de représentants des organisations de producteurs, d’un représentant de la municipalité et d’un représentant des consommateurs, ils sont un moteur et un maillon important au cœur de cette nouvelle dynamique nationale. Enfin, la loi 3525 fait état de deux systèmes de certification : le premier, sur le plan international et le second, sur le plan national et dans lequel le SPG s’inscrit en tant que système alternatif de garantie permettant aux petits producteurs d’accéder à un label peu coûteux. Ce dernier prévoit que les communes délivrent la certification qui sera ensuite avalisé par la SENASAG, autorité nationale compétente en la matière. Un système qui crée une nouvelle façon de consommer Dans ce rêve d’une Bolivie écologique, producteur et consommateur œuvrent donc main dans la main. Par l’intermédiaire du système participatif de garantie, c’est ensemble qu’ils déterminent la crédibilité du produit qui sera vendu. Misant sur la proximité de ces deux acteurs par l’entremise de la municipalité, ce processus favorise le circuit court avec les avantages financiers que cela implique et tous les bénéfices d’une relation qui se construit dans la confiance. En outre, contrairement à la certification tierce partie, toute l’information relative à ce processus est accessible au consommateur. Enfin, le SPG présente un intérêt sur le plan pédagogique dans la mesure où le consommateur, en tant que partie prenante et membre actif, est davantage sensibilisé aux conditions de production et a une meilleure connaissance de la réalité dans laquelle évolue l’agriculteur. Devant les petits producteurs, en outre, s’ouvre enfin la route vers une certification peu coûteuse et indirectement, l’accès à de nouveaux marchés. De quoi consolider les revenus familiaux et vivre plus dignement. Plus de 20 communes boliviennes sont déclarées « municipalités écologiques » et une dizaine d’entre elles souhaitent développer le système participatif de garantie. Il reste donc encore du chemin à parcourir et l’avenir nous dira si cette dynamique permettra au fil du temps de réaliser le rêve d’une Bolivie écologique. Frères Des Hommes |