Faire un arbre avec Listeria. Pour cacher quelle forêt ?

Reprenons cette déclaration alarmante du porte parole de l’AFSCA sur les ondes de RTL: « On parle d’une bactérie pathogène qui présente des risques très importants au niveau des femmes enceinte, des personnes âgées et des nourrissons. On a 191 décès en Europe en 2013 »


C’est effrayant non? Il faut faire quelque chose! c’est insupportable!

Contrôle à tout va et tolérance zéro, voilà la solution miracle! ?

C’est ce que l’on sous entend, on jette le discrédit sur le petit producteur de fromage au lait cru. On ne prend pas assez le temps d’analyser en profondeur.

Et pourtant cela en vaut la peine car ces chiffres n’ont rien d’alarmant lorsqu’on relativise.
En effet si nous les ramènons au niveau belge, cela fait 4 décès en un an. J’espère que vous n’êtes pas en voiture car sur la même période il y en a eu plus de 800 sur les routes (source:IBSR).

Ca relativise déjà pas mal de les comparer aux accidents de transport non? Et bien ce n’est pas tout. Allons sur eurostat et voyons les résultats des taux de décès dans diverses catégories par 100.000 habitants en Belgique.

accidents de la route 10
voies respiratoires 60,2
cancers 233,5
cardio vasculaire 242,2

Dans ce comparatif où se situeraient les cas de listeriose
rapportés sur 100.000 habitants?

listeriose 0,02

Il y a donc en Belgique

12.000 fois plus de décès dûs à un accident cardio vasculaires qu’à la listeria!

Continuons à relativiser les faits en cherchant quel est le public cible préféré de la listeria: femmes enceinte, personnes âgées et nourrissons.
Je doute que l’on distribue à la pelle du fromage de Herve dans les maisons de retraite. J’ai encore moins entendu parler de biberons au Herve.
Reste la maman enceinte qui doit être attentive.

Posons la question à Mme Montel directrice du laboratoire de recherche fromagère de l’INRA

Où réside exactement le danger pour des populations à risques comme les femmes enceintes,par exemple ? Dans la biodiversité d’un fromage au lait cru, ou dans un fromage industriel aseptisé qui court davantage de risques de post-contamination ?

« J’ai déjà répondu clairement à un médecin, affirme calmement Marie-Christine Montel, que je n’interdirais pas le fromage au lait cru à une femme enceinte, mais que je ferais très attention à son origine : je me tracasserais de savoir qui est le fromager et comment il travaille. Si on vous garantit la régularité des contrôles et la qualité des producteurs, je ne vois vraiment pas où pourrait être le problème. Il
faut donc s’assurer du professionnalisme du crémier, mais je vous assure que nous avons quelques bons crémiers en France, et que cela ne date pas d’hier… Et, mieux encore, on peut aller s’approvisionner directement chez le producteur. »

Relativisons encore et tentons de découvrir les causes réelles. Je ne cherche pas à minimiser ces quatre décès. C’est certainement un drame humain incommensurable comme tout deuil inopiné que les proches ont du trouver injuste et douloureux.
Pour trouver des causes plus probables, rendons nous du côté de l’institut Pasteur:

Pour éviter la listériose, quelles règles d’hygiène doivent être particulièrement respectées?

> réchauffer soigneusement les restes alimentaires et les plats cuisinés avant consommation immédiate ;
> nettoyer fréquemment le réfrigérateur et le désinfecter ensuite avec de l’eau javellisée ;
> s’assurer que la température du réfrigérateur est suffisamment basse (4°C) ;
> respecter les dates limites de consommation ;
> après la manipulation d’aliments non cuits, se laver les mains et nettoyer les ustensiles de cuisine qui ont été en contact avec ces aliments.

Voilà merci de votre attention. Nous avons terminé de relativiser.
Moi ça me laisse un vilain arrière goût dans la bouche… pas vous?
Vous n’avez pas l’impression que le vrai coupable de ces quatre décès ce serait plus vite un frigo mal refermé ou mal lavé plutôt qu’un malheureux producteur de fromage au lait cru?

Bref on se rend compte que ces cas de listeriose ne sont en fait que très mineurs. Ce sont des incidents domestiques sans véritable danger (hormis le deuil de ces quatre personnes auquel je compatis, je tiens à le répéter).

Mais pourquoi vouloir faire un arbre avec un fétu de paille?

Cet arbre est il destiné à cacher une forêt?

Pour en savoir plus revenons en à nos 27.126 décès par maladie cardio vasculaire.
Et rendons nous maintenant à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Quels sont les facteurs qui déclenchent des maladies cardio vasculaires?

Les principaux facteurs de risques des cardiopathies et des AVC, sont une mauvaise alimentation, un manque d’activité physique, le tabagisme et l’usage nocif de l’alcool.

Une mauvaise alimentation?

Les infarctus et les accidents vasculaires cérébraux sont généralement des événements aigus et sont principalement dus au blocage d’une artère empêchant le sang de parvenir au cœur ou au cerveau. Leur cause la plus courante est la constitution d’un dépôt gras sur les parois internes des vaisseaux sanguins alimentant ces organes.

Quelles seraient les solutions?

Mettre en place des politiques de santé, qui créent des conditions propices pour qu’il soit à la fois abordable et possible de faire les bons choix en matière de santé, sont essentielles pour inciter les populations à adopter un comportement sain et à s’y tenir.

Penchons nous alors maintenant sur les politiques de santé belges.
Les compétences en matières de santé en Belgique sont reparties entre plusieurs gouvernements. Au niveau fédéral, le Service Public Féderal (SPF) Santé Publique, Sécurité de la chaine alimentaire et Environnement est chargé de la politique en matière de santé publique et soins de santé.
Le tout chapeauté au niveau européen par l’agence exécutive pour les consommateurs, la santé et l’alimentation (Chafea) et l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)

Nous sommes donc bien face à une forêt très dense et parfois incompréhensible.
Je comprends que des voix s’élèvent contre l’AFSCA en disant:

Elle se retranche derrière l’Europe.
Peut être oui, mais il faudra discuter avec elle pour savoir pourquoi ses mesures diffèrent d’une province à l’autre alors que l’Europe est la même pour tous.

Elle minimise son pouvoir, en disant qu’elle applique juste sa mission de contrôle sanitaire.
Peut être oui, mais comme on vient de le voir, pourquoi tient elle des propos alarmistes, sanctionne et pousse à la faillite, là où il n’y a vraiment pas de quoi en faire tout un fromage (de Herve?)

Elle suit un grand mouvement d’uniformisation des pratiques préparant le TTIP
Peut être oui, mais de façon involontaire j’ose l’espérer. De toute façon la structure est là et si les lois se modifient, l’afsca modifiera ses façons de faire en conséquence.

Elle favorise l’agro industrie au détriment des petits producteurs
Peut être oui, même si ses contrôles sont équivalents. même si elle a dénoncé des scandales sanitaires de grande échelle. On verra dans un autre article que ses interlocuteurs privilégiés sont des grands opérateurs ou fédérations conventionnels (APFACA, BOERENBOND, FWA, FEBEV, FEBETRA, AWEX, UNIZO,…)
Il est certainement plus aisé d’effectuer ses contrôles dans une usine alimentaire qui a déjà tout prévu, qui a ses propres labos et vous attend avec le sourire. Puis qui paye de grosses factures tout naturellement car c’est inclus dans le process.


Nous allons essayer de nous positionner dans cette forêt. Un long dialogue doit s’installer. Au MAP et chez la plupart de ses consoeurs, les valeurs sont très différentes.
Nous ne représentons que 1% du paysage alimentaire, mais nous sommes tous convaincus du bienfondé de nos démarches.
Quand on parle de BeCert l’énorme programme de certification en développement à l’afsca; nous ne nous sentons absolument pas concernés puisqu’il est orienté exportation alors que nous militons pour le circuit court.
Nous militons également pour l’agroécologie et l’autonomie. Donc pas d’agrofournisseurs d’aliments quand on nourrit notre cheptel avec notre production et nos déchets. Nous sommes parfois un peu perdu dans forêt.
Mais nous désirons faire entendre notre voix.

Cher lecteur, que tu sois producteur ou consom’acteur, crie avec nous:

« Je suis Paysan ! »

Soutiens nous en devenant membre, plus nous serons nombreux, mieux nous serons reconnus en tant que syndicat et plus nos actions et demandes auront de chances d’aboutir.